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Ukraine B

Comme à GAZA, l’état de guerre à fait 2600 victimes en Ukraine, principalement des civils puisque l’aviation et l’artillerie de KIEV bombardent des villes et des villages qui subissent aussi un blocus. 500 000 personnes ont dû quitter leur domicile par peur des bombardements, ou pour fuir les exactions des bandes armées, elles sont donc maintenant des réfugiés.

Mais l’analogie s’arrête là.

Dans ce conflit, comme communistes, nous ne pouvons soutenir un camp impérialiste plutôt qu’un autre, un nationalisme manipulé plutôt qu’un autre. Comme nous le disions dans l’article précédent sur la Palestine

il était juste politiquement de soutenir les luttes de libération nationale Algérienne ou Vietnamienne (ou Palestinienne aujourd’hui) qui s’exercent contre une puissance coloniale mais c’est faire le jeu de la réaction que de soutenir tel ou tel nationalisme des Balkans au prétexte qu’il aurait été opprimé par l’état Yougoslave centralisateur. Ces nationalismes-là sont attisés par les rivalités entre les puissances impérialistes qui ne cherchent qu’à démanteler des états selon leurs intérêts propres. Dans ce cas comme dans le conflit Ukrainien nous devons soutenir les mouvements qui prônent le vivre ensemble contre l’épuration ethnique ou religieuse. Notre priorité sera aux mouvements qui lient leur démarche à l’émancipation sociale.

Nous relayons ci-dessous les conclusions des Thèses sur l’Ukraine de la Tendance Marxiste Internationale (TMI)

( à lire dans leur intégralité ici http://www.lariposte.com/Theses-sur-l-Ukraine.html)

Ainsi que l’appel des Antifascistes Ukrainiens en exil, traduit et publié par Servir le Peuple (suivi des commentaires de SLP)

http://servirlepeuple.over-blog.com/article-appel-des-antifascistes-ukrainiens-en-exil-124473383.html

Ukraine A


Conclusions des Thèses sur l’Ukraine de la Tendance Marxiste Internationale (TMI)

« ….Dans cette situation complexe, les tâches des marxistes sont claires.

Premièrement, nous sommes contre le gouvernement de Kiev, un gouvernement réactionnaire qui compte des éléments d’extrême droite, intègre des bandits fascistes dans l’appareil d’Etat et s’en prend aux droits démocratiques. Nous sommes solidaires des organisations ouvrières et de gauche qui luttent contre ce gouvernement et subissent la répression, les pogroms, les assassinats, les offensives de l’ATO et autres sauvageries. Cela ne signifie pas que nous devons donner le moindre soutien aux éléments réactionnaires, nationalistes russes et confus qui sont dans la direction des républiques du Donbass. Au contraire, notre devoir est d’expliquer que seule une politique de classe et internationaliste, basée sur l’expropriation des oligarques, pourrait garantir la victoire contre Kiev.

Deuxièmement, nous avons combattu l’illusion selon laquelle Poutine défendrait les revendications démocratiques, nationales et sociales du peuple travailleur du sud-est de l’Ukraine. Sur ce point, l’expérience nous a déjà donné raison.

Troisièmement, nous nous opposons à nos propres gouvernements occidentaux, qui soutiennent pleinement le gouvernement réactionnaire d’Ukraine en guerre contre son propre peuple.

En Russie, nos camarades ont la tâche difficile d’organiser la solidarité avec la résistance anti-fasciste en Ukraine tout en menant une lutte implacable contre leur propre gouvernement bourgeois vorace, hypocrite et réactionnaire. Ils ont maintenu cette position depuis le début du conflit.

L’idée que ce conflit résulte d’une agression de l’impérialisme russe contre une Ukraine semi-coloniale – cette idée ne tient pas debout et mène directement au soutien du gouvernement de Kiev, son ATO criminelle, les gangs fascistes qui en font partie, ses assauts contre les droits démocratiques et son nationalisme réactionnaire. Que des soi-disant « socialistes » défendent une telle position en Ukraine – ou, pire encore, à Londres ou Washington – est doublement traitre.

Ironiquement, les mêmes groupes « de gauche » qui hurlent hystériquement au fascisme chaque fois qu’un parti de droite populiste enregistre une poussée électorale, sont incapables de reconnaitre l’existence de gangs fascistes et nazis qui, en Ukraine, assassinent des militants de gauche, saccagent leurs locaux et jouent le rôle de forces auxiliaires d’un gouvernement réactionnaire qui mène une guerre contre son propre peuple.

Nous devons lutter contre le fascisme. Mais cette lutte ne peut être victorieuse que si elle est liée à la lutte contre le capitalisme, lequel offre un terrain fertile au fascisme.

Le socialisme est internationaliste ou n’est rien. A fortiori en Ukraine, il n’y a pas d’issue sur des bases nationalistes. Les soi-disant nationalistes ukrainiens à Kiev représentent le type de chauvinisme le plus enragé, qui sert de masque au fascisme. Ils ont mené le pays au bord de l’abîme et l’ont déjà plongé dans une guerre civile qui pourrait aboutir à la destruction de l’Ukraine comme nation.

La désintégration de l’Ukraine serait un développement réactionnaire, qui exacerberait énormément les haines et les antagonismes nationaux. Cela mènerait à un nettoyage ethnique, des pogroms et des massacres de grande ampleur. Cela renforcerait l’emprise des tendances fascistes et hyper-chauvines des deux côtés, menant à une soif de revanche et à des actes terroristes. Ce qui est arrivé à la Yougoslavie est un terrible avertissement à la classe ouvrière d’Ukraine.

Il faut une politique capable d’unir toute la classe ouvrière pour renverser l’oligarchie. La seule solution réelle à la question ukrainienne est le renversement des oligarques (ukrainiens et russes) et l’introduction d’un plan de production socialiste et démocratique permettant d’en finir avec le cancer de l’immigration et l’émigration forcée – et de mobiliser toute la population pour réaliser l’immense potentiel de l’industrie et de l’agriculture ukrainiennes.

Historiquement, les peuples d’Ukraine et de Russie ont toujours été étroitement liés. Le peuple ukrainien n’est pas anti-russe, mais il ne veut pas être dominé par Moscou. Une révolution socialiste en Ukraine mènerait rapidement au renversement de Poutine et des oligarques russes. Cela ouvrirait la voie à une authentique fédération socialiste unissant la Russie et l’Ukraine sur la base d’une égalité stricte, de la démocratie et de la fraternité entre ces deux grands pays…. »

Athènes, le 3 août 2014

 


 

Appel des Antifascistes Ukrainiens en exil

images-1L’organisation communiste ukrainienne Borotba est désormais plongée dans la clandestinité, ses militants sont pourchassés sous l’accusation de soutenir le « terrorisme séparatiste » et son site internet ne répond plus. Quelques éléments parviennent toutefois, tant bien que mal, à communiquer avec l’extérieur ; ainsi le responsable Sergueï Kiritchouk qui s’est exilé et a donné cette interview à un journal allemand.

D’autres ont pu gagner la Crimée qui (comme chacun-e le sait) a fait sécession en mars dernier avant de proclamer son rattachement à la Russie, et connaît depuis lors une relative « paix russe » (ceci renforcera évidemment encore, jusque dans l' »extrême-gauche » ukrainienne et internationale, l’accusation d’être « à la solde de Moscou » ; mais faut-il tellement s’en étonner s’ils peuvent trouver là, à deux pas de chez eux, une tranquillité relative alors qu’ils sont traqués dans toutes les régions sous contrôle de Kiev ?).

Ils ont fait parvenir au site « Workers World » ce texte que nous avons traduit, annonçant le lancement d’un « Centre antifasciste » à Simferopol – dans la péninsule séparatiste.

Nous avons trouvé ce texte hautement intéressant car il n’appelle pas à rejoindre les « glorieuses forces » de la République « populaire » séparatiste du Donbass (où les antifascistes se retrouveraient rapidement aux côtés de… fascistes pro-russes, y compris venus de France, le mouvement fasciste européen s’étant globalement partagé entre pro-russes et pro-ukrainiens comme hier entre pro-serbes et pro-croates en Yougoslavie) ; mais au contraire à allumer et développer la résistance populaire antifasciste dans TOUT L’ÉTAT UKRAINIEN, au Sud (Odessa) comme à Kiev, au Nord et même à l’Ouest où se développe çà et là une résistance à la mobilisation militariste de la junte contre les séparatistes du Donbass… Autrement dit il dénationalise les enjeux, tentant d’arracher les choses à un affrontement Ukraine-Russie et « Ukrainiens proprement dits » vs « Novorusses » pour les amener sur un terrain DE CLASSE et de CONCEPTION DU MONDE : ouvriers et paysans contre oligarques, justice sociale contre botte du FMI et de la BCE et résistance populaire contre le fascisme !

Vadim


Lancement d’un Centre antifasciste en Ukraine

Soutenez le Centre pour les antifascistes d’Ukraine, créé à Simferopol en Crimée – Nous avons besoin de votre aide !

La nécessité objective d’un Centre de soutien aux antifascistes d’Ukraine à Simferopol :

En ce moment, il est extrêmement difficile aux forces qui s’opposent au fascisme en Ukraine de travailler sur le territoire contrôlé par le gouvernement de Kiev ; en particulier pour l’organisation de gauche la plus active : l’Union Borotba (« Lutte »). Dans les villes du Sud-Est ont eu lieu des arrestations massives de militants anti-Maïdan, et des centaines de personnes sont maintenant derrière les barreaux. Le Service de Sécurité ukrainien recherche et arrête à présent nos camarades pour le simple fait de poster sur les réseaux sociaux (Facebook, Vkontakte), ce qui est qualifié de « propagande séparatiste ».

Dans ces conditions, les cellules de Borotba et d’autres organisations de gauche et antifascistes opèrent de manière semi-clandestine. Des dirigeants importants de ces organisations ont fait l’objet de représailles. Notre organisation ne peut plus désormais fonctionner que sur le principe du réseau – comme réseau de petits groupes autonomes menant l’agitation et la propagande et tentant d’organiser, tout en se protégeant des attaques des combattants néofascistes.

L’activité d’une direction centrale de l’organisation est devenue impossible sur le territoire contrôlé par les autorités de Kiev – il y a un trop grand risque d’exposition d’un tel centre et d’une destruction de tout le réseau.

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Cette situation engendre la nécessité d’un centre de coordination pour Borotba et autres organisations amies et groupes de gauche en dehors du territoire contrôlé par Kiev. Un exemple pour cela est le travail des sociaux-démocrates russes au début du 20e siècle, afin de créer un centre capable de coordonner l’action des cellules clandestines.

Les activistes impliqués dans la lutte antifasciste en Ukraine, qui risquent l’arrestation, la torture et même la mort, doivent savoir qu’ils ne seront pas laissés sans refuge ni moyens de subsistance si besoin est, afin qu’ils puissent continuer à participer à la lutte pour libérer l’Ukraine des nazis.

Conditions subjectives pour un Centre de soutien aux antifascistes d’Ukraine à Simferopol :

Du fait de la répression des autorités de Kiev contre l’Union Borotba et d’autres organisations de gauche et patriotiques, de nombreux activistes ont été obligés à fuir le territoire ukrainien. Actuellement, environ 20 membres de Borotba originaires d’Odessa, de Dniepropetrovsk, de Kiev et d’autres villes, qui ont quitté l’Ukraine sous la menace d’arrestation et de violences, se trouvent dans la République de Crimée à Simferopol.

Pour le moment, ces exilés antifascistes ne possèdent que leurs maigres ressources pour leur loyer et autres nécessités ; ils n’ont pas d’emploi d’autres sources de revenus. Dans le même temps, nos camarades ne veulent pas devenir des réfugiés ni recevoir la nationalité russe : il veulent retourner en Ukraine et vaincre le régime néofasciste.

L’Union Borotba, sous la direction du député au Conseil régional d’Odessa Alexeï Albu et du coordinateur Victor Shapinov, a déjà commencé à coordonner Borotba et d’autres forces de gauche en Ukraine. Du 5 au 8 juillet, la première école pour activistes politiques s’est tenue près de Simferopol, à laquelle ont assisté 30 personnes qui avaient quitté l’Ukraine.

Tâches pour le Centre de soutien aux antifascistes d’Ukraine :

  1. Coordination et gestion des cellules de Borotba et des organisations de gauche amies.
  2. Assurer des canaux de communication sûrs et faire parvenir des fonds aux antifascistes Ukraine.
  3. Former de nouveaux activistes politiques venant du mouvement de résistance dans le sillage des protestations anti-Maïdan. Créer un cadre solide pour les forces politiques de gauche, qui sera un élément essentiel du système politique de la nouvelle Ukraine libérée du fascisme.
  4. Créer un centre de presse des forces de gauche et antifascistes en Ukraine pour informer le public de la lutte sur le territoire contrôlé par les autorités de Kiev.
  5. Créer des supports de communication (tracts, vidéos etc.) à l’usage des forces de gauche et antifascistes en Ukraine. Gérer un vidéoblog permanent pour les forces de gauche en Ukraine, qui pourrait devenir une véritable chaîne online.
  6. Traduction des documents de la résistance antifasciste en langues étrangères. Permettre une prise de conscience internationale sur le combat des forces antifascistes en Ukraine. Diffuser une information précise sur la répression et les assassinats d’activistes.
  7. Tenir un registre des crimes et des violations des droits humains commis par le gouvernement de Kiev et les unités d’ultra-droite sous son contrôle.
  8. Faire le lien entre les forces de gauche en Ukraine et tout autour de la planète.
  9. Assurer l’évacuation des camarades ukrainiens qui risquent persécutions ou violences là où ils vivent et travaillent.

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Nous, les représentants du Centre de soutien aux antifascistes d’Ukraine, faisons appel à l’aide de tous les mouvements et de toutes les organisations progressistes comme des activistes individuels. TOUTE AIDE, même la plus modeste, sera appréciée dans toute sa valeur par les exilés antifascistes ukrainiens.

http://www.workers.org/articles/2014/08/04/anti-fascist-center-launched-ukraine/


Le courant trotskyste de la Riposte, qui pratique l' »entrisme ouvert » au sein du PCF, a récemment publié un texte dans lequel nous retrouvons largement nos analyses : Thèses sur l’Ukraine

Preuve qu’au-delà des petites chapelles idéologiques, la CONCEPTION CORRECTE DU MONDE se cristallise petit à petit sous l’effet des forces de l’histoire !

Lire aussi (à titre informatif) le Manifeste du Front populaire de libération de l’Ukraine qui donne une petite idée du niveau idéologique « moyen » de l’insurrection dans le Sud-Est ukrainien.

On notera que :

1.     Il est sans doute permis de déplorer qu’une organisation marxiste révolutionnaire comme Borotba ait signé cet appel aux côtés de forces aux noms aussi peu engageants que « Garde slave », qui fleurent bon l’ultra-nationalisme russo-orthodoxe « cosaque » et « blanc », CEPENDANT

2.     Il est difficile de se poser en petit juge de ce genre de choses lorsque l’on ne se trouve pas et que l’on a même pas (à vrai dire) dans son champ du concevable la situation que connaissent actuellement ces militant-e-s : à quand remonte la dernière fois qu’en Hexagone, une quarantaine de personnes identifiées comme « rouges » ont été (de ce seul fait) brûlées vives dans un immeuble par des fascistes ? Depuis quand est-on arrêté (puis bien entendu sauvagement brutalisé en détention) pour des simples publications sur Internet ? Quand donc des déluges de bombes se sont-ils abattus, faisant des milliers de mort-e-s civil-e-s, sur une région ouvrière refusant d’être « restructurée » (un peu comme la Lorraine des années 1980) ? Pour se permettre de donner des leçons il faudrait déjà, pour commencer, avoir vécu ne serait-ce qu’un quart du dixième de cela ; et également admettre au préalable le principe absolu que des personnes progressistes ou révolutionnaires ont le DROIT de résister à un gouvernement tel que celui de Kiev (pour le moment et sans doute par tactique politique, les forces de « Nouvelle-Russie » mêlent allègrement imagerie soviétique et nationaliste russe et ne s’attaquent pas aux « rouges ») – cf. l’excellent article du Comité Anti-Impérialiste au sujet de la Palestine.

3.     Dans un tel contexte, des forces réactionnaires comme les « cosaques », « eurasistes » ou « national-bolchéviks » et autres « panslavistes » deviennent de fait des « forces grises » intermédiaires, au même titre que les forces islamistes en Palestine : ce ne sont pas des « amis pour la vie », il faut garder sa méfiance (si une vraie question mérite d’être posée, c’est celle-là), mais elles ne sont pas pour le moment l’ennemi à combattre en priorité et peuvent même, dans certaines de leurs actions, servir objectivement le Peuple et les idées justes. Pour illustrer cela on signalera par exemple qu’à Zaporozhye, où elle est basée, la « Garde slave » a participé en février à la protection de la statue de Lénine – symbole que les nationalistes fascistes de Maïdan cherchaient à abattre avant de passer physiquement aux communistes eux-mêmes.

4.      Dans un tel contexte comme en Palestine, cf. là encore l’article du Comité Anti-Impérialiste, « les idées qu’ont en tête ceux qui résistent ne constituent pas la question principale. Ce qui compte c’est ce qu’ils font. Ce qui compte, c’est leur lutte objective. C’est le point de vue du matérialisme historique comme l’a magnifiquement montré Engels dans La guerre des paysans en Allemagne. Il faut participer à cette lutte objective pour influencer le combat dans un sens progressiste ou révolutionnaire. C’est là une des grandes leçons du marxisme »… Borotba ne fait donc qu’appliquer un principe marxiste élémentaire – avec quel succès, cela seul l’avenir le dira. De fait, le texte de la déclaration est très « réformiste radical » et montre bien que ce qui est déterminant c’est la pression des masses, de leurs aspirations, et ce que telle ou telle force est OBLIGÉE de dire et faire face à cela bien plus que ce qu’elle est et pense dans son programme politique organique (il semblerait en fait que les principaux auteurs du texte soient les camarades de Borotba, la question qui se pose alors étant la sincérité des autres signataires, dont il est toujours permis de douter).

 
 

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Ni Ukrainien, ni Russe !

Développons notre propre camp, le troisième camp,

celui de la révolution sociale !

 

Nous relayons ce texte du site « Guerre de Classe » dont nous partageons l’analyse sur la situation actuelle en Ukraine.

Il donne aussi d’importantes informations sur les mobilisations populaires anti-guerre et le combat contre les nationalistes de tous bords qui visent aujourd’hui à fragmenter le pays pour le compte des puissances impérialistes qui se font face.

Les prolétaires d’Ukraine n’ont aucun intérêts dans ce conflit, si ce n’est de s’emparer eux-mêmes des armes pour ce débarrasser des capitalistes Russes ou Ukrainiens qui les oppriment.

 http://www.autistici.org/tridnivalka/ni-ukrainien-ni-russe/

« Lorsque nous avons écrit, il y a quelques mois dans notre texte « Préparatifs de guerre entre l’Ukraine et la Russie – Show ou réalité ? »1) que les conditions d’une nouvelle guerre mûrissaient en Ukraine, beaucoup de camarades ont exprimé des doutes ou même des désaccords avec une telle affirmation catégorique. Maintenant nous pouvons affirmer que le conflit en Ukraine a clairement permuté de la phase « froide » à la phase « chaude » et que ce à quoi nous assistons actuellement dans l’est du pays, c’est la guerre sous toutes ses définitions. De Lougansk à la frontière avec la Russie jusque Marioupol sur la côte de la mer Noire, ce sont deux forces militaires qui se mesurent dans des affrontements quotidiens en essayant d’étendre la zone sous leur contrôle, ils se battent au sol ainsi que dans les airs, à la campagne ainsi que dans les centres industriels, l’artillerie fait pleuvoir des obus sur des villages, l’aviation bombarde des villes (sous le prétexte que leurs ennemis utilisent les habitants comme boucliers humains), des hommes, des femmes, des enfants meurent sous les bombes et les missiles… En quatre mois de conflit armé, plus de 2.000 civils et militaires sont morts et 6.000 autres ont été blessés ; 117.000 prolétaires ont été déplacés dans le pays et 730.000 autres ont trouvé refuge en Russie. Au moment de boucler cet article, les cadavres jonchent les rues de Donetsk, pris dans l’étau de l’offensive gouvernementale.

Dans le même texte, nous avons aussi écrit que la seule réponse du prolétariat à la guerre, c’est d’organiser et de développer le défaitisme révolutionnaire, c’est-à-dire, de refuser dans la pratique de rejoindre l’un ou l’autre camp, mais au contraire d’établir des liens entre prolétaires des deux côtés du conflit à travers la lutte contre les deux bourgeoisies. Et même sur ce terrain, les choses se sont développées, notre texte mérite dès lors (trois mois après sa publication) un post-scriptum.

Ce texte est basé sur des informations puisées à différentes sources (que nous citons en notes), des blogs militants comme des médias officiels. Cette courte description des événements en Ukraine nous a demandé des heures d’un travail prudent, de collecte d’informations, de lecture de textes, de vision de vidéos, de comparaison de différentes données, etc. Nous voudrions souligner deux choses : primo, le fait que les événements que nous décrivons ici ne furent pas couverts par France Télévision ou Euronews ne signifie pas qu’ils n’ont pas eu lieu, que nous les ayons inventés (diverses sources gauchistes mais aussi les médias ukrainiens et russes les ont décrits). Secundo, il est clair que les informations que nous avons obtenues d’Ukraine sont chaotiques, incomplètes et parfois contradictoires. Cependant, cela ne signifie pas que nous devrions abandonner notre tentative de saisir ce qui se passe là-bas. Nous sommes persuadés que nous devons opposer aux informations sélectives de l’État la position critique et radicale du mouvement anticapitaliste ; nous devons développer et partager les informations et les analyses qui comprennent le monde à travers le prisme de la perspective de le révolutionner.

***

L’idéologie guerrière (qu’elle soit basée sur la défense d’un état national uni ou sur le droit à l’autodétermination des sympathisants pro-russes) plonge ses racines en Ukraine, les organisations de la société civile organisent des campagnes de collecte de fonds pour supporter l’armée, les popes bénissent les armes d’un camp ou de l’autre, et la télévision diffuse des scènes de babouchkas qui fournissent aux hommes armés leur dernier pot de compote. Tous les prolétaires cependant ne se soumettent pas au lavage de cerveau de la propagande guerrière provenant de l’un ou de l’autre camp, pas tous ne veulent se sacrifier « pour leur patrie ». Des expressions du refus pratique des massacres guerriers apparaissent toujours plus fréquemment et les deux camps du conflit ont de grandes difficultés pour recruter de nouveaux effectifs pour leur massacre mutuel.

Des milliers de soldats de l’armée ukrainienne, que le gouvernement a envoyés dans les soi-disant opérations antiterroristes dans l’est du pays, ont déserté ou changé de camp avec tout leur matériel, y compris des tanks et des véhicules blindés. À titre d’exemple, la 25ème brigade aéroportée ukrainienne (troupe d’élite par excellence), dont les hommes sont accusés « d’avoir fait preuve de lâcheté » lors des combats à Kramatorsk, sera dissoute sur instruction présidentielle le 17 avril après avoir fait part de son refus de « combattre d’autres Ukrainiens ».2) Tout récemment, ce sont 400 soldats d’une même unité qui ont déserté et se sont réfugiés du côté russe de la frontière après s’être retrouvés sous un feu nourri et sans munitions. Ces soldats qui seront, comme la Russie l’a déjà annoncé, extradés vers le territoire ukrainien, ont déclaré qu’ils préfèrent être accusés de désertion plutôt que de continuer à tuer et être tués sur le front oriental. Tous ces déserteurs déclarent qu’ils ne veulent pas se battre contre « leur propre peuple » et ils dénoncent aussi leurs conditions de vie désespérées auxquelles ils doivent faire face dans l’armée – solde minable, nourriture dégueulasse, ou même manque de nourriture, etc. D’autres unités n’ont même pas été déployées dans l’Est pour leur manque de fiabilité. De la même façon que le précédent président Ianoukovitch ne put les utiliser pour réprimer les manifestants, pas plus l’actuel gouvernement n’ose envoyer au combat des troupes connues pour leur loyauté minimale.

Environ un millier de soldats d’unités de la région de Volhynia se sont mutinés à Mykolayiv le 29 mai. Les soldats du 3ème bataillon de la 51ème brigade ont refusé d’être envoyés au front, ils ont refusé les ordres de leurs supérieurs et ils ont commencé à décharger leurs équipements lourds et d’autres matériels déjà prêts pour le transport. Après que leur unité ait subi de lourdes pertes lors d’une confrontation avec les séparatistes près du village de Volnovakha, on leur avait promis de retourner dans leur casernement permanent à Rivne. Au lieu de cela, ils furent déplacés de l’Est vers le Sud, puis retour à la case départ, de telle sorte qu’on put finalement leur annoncer qu’ils vont continuer leur entraînement avant d’être renvoyés au front. « Ayant perdu toute confiance dans leurs généraux à la lumière des derniers événements à Volnovakha et durant les funérailles à Rivne, ainsi qu’à cause de la trahison de leurs généraux, les soldats ont entamé une rébellion ouverte. »3)

Le 2ème bataillon de la 51ème brigade, qui se trouvait dans la caserne de Rivne au même moment et qui fut le témoin des funérailles des soldats du 3ème bataillon tués dans la fusillade de Volnovakha ainsi que de la direction chaotique et mensongère des opérations, ce bataillon se mutina également. « Les généraux nous disaient ‘allez au Nord’ puis ‘allez au Sud’ au point que les soldats sont prêts à leur tirer dessus. Les généraux ont commencé à porter des gilets pare-balles de peur des fragging ! »4) Environ 1.200 soldats ont participé à la mutinerie, ils ont refusé d’être transférés à Mykolayiv. « Ils nous ont promis, lorsqu’ils nous ont mobilisé, que nous garderions la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie. Nous sommes prêts à le faire, mais pas à foncer sur ces clowns du Donbass. »5)

Une rébellion semblable a aussi éclaté à Poltava.

Quatre jours plus tôt, après que six soldats originaires de la région de Volhynia ne soient tués, des mères, des femmes et des parents de soldats de la 51ème brigade ont bloqué les routes dans la région de Volhinya pour protester contre la poursuite du déploiement de l’unité dans le Donbass.6)

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Des manifestations et des protestations organisées par des femmes et d’autres parents de conscrits demandant le retour à la maison des soldats ou essayant de bloquer leur départ au front se sont étendues pendant ce temps à autres régions de l’Ukraine (Bucovine, Lviv, Kherson, Melitopol, Volhynia, etc.). Les familles des soldats bloquaient les routes avec des arbres abattus dans la région de Lviv au début de juin.7) Une manifestation de parents a bloqué l’entrée du bureau de recrutement militaire à Lviv quelques jours plus tard.8) A Iavorivo (région de Lviv), des membres d’une famille ont occupé un terrain d’exercice de la 24ème brigade mécanisée et ils ont exigé la suppression du départ vers la ligne de front.9) Des manifestations de parents à Dnipropetrovsk et Kharkov ont exigé le retour des soldats dans les casernes de leurs régions natales.10) Des femmes de Kharkov ont occupé l’aéroport militaire local. Le bureau de recrutement militaire local à Kherson a été occupé par des mères et des femmes de soldats. Elles ont appelé à la fin de la guerre avec des slogans comme : « Femmes contre la guerre », « Où les fils des oligarques font-ils leur service ? » ou « Nos enfants ne sont pas de la chair à canon ».11) A Tchernivtsi, des femmes ont bloqué l’autoroute vers Jitomir pour plusieurs jours et elles ont réclamé le retour à la maison des soldats.12) Le 24 juin, des parents ont établi un barrage au kilomètre 125 de l’autoroute Kiev–Tchop, ils portaient des bannières disant : « Ramenez nos enfants, envoyez à l’est les enfants de généraux. »13) Le 8 juin, un groupe de 100 parents de soldats ont bloqué les troupes de la 3033ème unité militaire basée à Melitopol, dans la région de Zaporojie. La protestation a réussi à empêcher les soldats d’être envoyés au front. Les parents impliqués dans le mouvement de contestation ont aussi protesté contre la propagande étatique qui les décrit comme des « séparatistes prorusses » : « Hier les nouvelles ont dit que ‘des séparatistes prorusses ont organisé un blocus de l’unité militaire’. Mais il n’y avait aucune mention de la Russie à la porte d’entrée de l’unité militaire ! Nous ne voulons juste pas perdre nos soutiens de famille. (…). Donetsk est un massacre, et nos enfants ont 20-21 ans. (…) Vous nous voyez, nous sommes des mères ! Comment pouvez-vous nous appeler des séparatistes ? », déclarait une des participantes.14) Des mères et des femmes de soldats ont protesté contre leur envoi au front en face de la base militaire de Ternopil le 15 juillet.15)

Et ce n’est pas la première fois que les familles de soldats s’affrontent à une action militaire. Pendant la période dont le résultat fut finalement la chute du précédent président Ianoukovitch, des parents et d’autres personnes ont organisé des réunions devant les casernes, ils ont discuté avec les soldats afin de leur apporter des informations sur ce qui se passait vraiment dans les rues et pour les persuader de refuser de participer à une répression potentielle contre les manifestants.

Pendant ce temps, de nouveaux hommes continuent d’être enrôlés dans l’armée. Même s’ils doivent être recrutés sur la base d’une carte militaire obligatoire, le gouvernement les fait passer pour des volontaires. « Nous ne sommes pas des volontaires (…) nous ne voulons pas tuer des gens (…) nous n’irons pas n’importe où, nous enlèverons nos uniformes et nous rentrerons chez nous », ont proclamé des conscrits lors d’un rassemblement de protestation à Lviv.16)

Après l’entrée en vigueur du décret présidentiel de Porochenko à propos de la troisième vague de mobilisation dans les forces militaires le 24 juillet, dont la conséquence est l’envoi de davantage de milliers de prolétaires au front, des troubles ont éclaté dans différents endroits en Ukraine de l’ouest avec une force accrue : dans le village de Voloka, toute la population a résisté à la conscription de 50 hommes. « Ils ont commencé, qu’ils résolvent eux-mêmes (leurs problèmes). Nous mourrons mais nous ne donnerons pas nos enfants. Ils doivent le comprendre et ne pas venir ici avec leurs ordres de mobilisation », déclarent un vieux manifestant.17) Des parents de soldats ont bloqué une route près du village de Korovia le 25 juillet exigeant la fin de la mobilisation et que les fils des autorités publiques soient envoyés au front à leur place.18) Le même jour, une route dans le district d’Oboukhivs’kyi, près de Kiev, fut également bloquée par des familles de soldats. Les blocages continuaient de plus belle le 28 juillet dans au moins sept villages dans la région de la Bucovine et l’autoroute Kiev-Tchop fut également bloquée, une fois de plus. Lors d’une manifestation anti-guerre en face d’un bureau de recrutement à Novoselytsa, des protestataires ont molesté un membre du conseil municipal qui essayait de leur parler.19) Des habitants de plusieurs villages de la région d’Ivano-Frankivsk sont entrés de force dans les bureaux de l’administration militaire locale le 22 juillet et ont allumé un feu de joie avec les ordres de mobilisation et d’autres documents concernant la mobilisation. La même chose eu lieu le même jour à Bogorodchany.20) Dans différent villages, les gens ont massivement brûlé leurs documents de conscription distribués par la poste.21) A Moukatchevo, en Transcarpathie, la situation s’est aggravée à tel point que le commandement militaire local qui s’inquiétait de la continuation des protestations a, pour l’instant, suspendu la mobilisation et a promis qu’aucun des habitants du coin ne sera envoyé au front dans un futur proche.22) D’autres mobilisations militantes contre la guerre ont encore eu lieu dans la région de Zaporojie le 4 août ainsi que devant le parlement à Kiev le lendemain.23)

Kiev, qui ne peut actuellement compter qu’à peine sur son armée régulière, dépend par conséquent des armées privées de quelques oligarques et de la Garde Nationale, une milice de volontaires principalement formée de nationalistes du Pravyi Sektor (Secteur droit) et du parti Svoboda (Liberté) pendant le mouvement de protestation contre Ianoukovitch. Les nouvelles unités de la Garde Nationale ne sont pas spécialement formées pour les actions militaires, mais principalement pour réprimer les protestations de masse et les émeutes, comme cela a été révélé lors de leur parade à Kiev à la fin de juin. D’ailleurs, des centaines de fascistes de l’Assemblée National-socialiste et les Patriotes Ukrainiens avaient déjà attaqué en juin une manifestation contre l’opération anti-terroriste qui avait lieu à Kiev.

Néanmoins, les membres de la Garde Nationale ne sont pas non plus en dehors des contradictions qui secouent les deux camps. Radio Europe Libre a récemment publié une vidéo 24) qui montre un soldat de la Garde Nationale qui reproche au gouvernement de n’être pas capable de fournir assez de nourriture, d’eau et d’armes aux volontaires : « Nous sommes utilisés comme de la chair à canon » affirme-t-il. Les conditions matérielles rattrapent ici même ceux qui pensent qu’ils sont idéologiquement au-dessus d’elles.

Des mercenaires provenant du monde entier se battent aussi dans le camp de Kiev, ils ont été embauchés pour le gouvernement par des agences privées (il s’agirait de troupes mercenaires de Pologne, de la République tchèque, de l’ex-Yougoslavie, mais aussi de la région d’Afrique équatoriale).

Le recrutement de nouveaux combattants n’avance pas selon le souhait des seigneurs de guerre locaux, et dans le camp des séparatistes non plus. La majorité des mineurs de la région du Donbass refuse toujours de rejoindre leur camp. Au lieu de cela, ils forment des unités d’autodéfense qui se positionnent contre les séparatistes et les troupes du gouvernement. Une de ces unités s’est affrontée aux séparatistes et les a empêchés de faire sauter une mine dans le village de Makiivka. A Krasnodon, dans la région de Lougansk, les mineurs ont organisé en mai une grève générale et ils ont pris le contrôle de la ville. Ils ont ouvertement refusé de se joindre tant au camp des séparatistes « anti-Maïdan » à Lougansk que le camp des oligarques du Maïdan à Kiev, et ils ont plutôt exigé l’augmentation de leurs salaires ainsi que l’arrêt de l’embauche de main-d’œuvre pour la mine par des agences privées.25)

Les mineurs de six mines dans le bassin du Donbass ont déclenché une grève à la fin du mois de mai pour demander la fin de l’opération anti-terroriste dans l’est du pays et le retrait des troupes.26) Leur action fut le résultat de leur propre initiative et n’a pas été imposée en aucune façon par des hommes armés de la République Populaire de Donetsk, d’après certains médias. Selon les grévistes, la guerre représente un danger pour l’existence même des mines et provoque le chômage. « Le lundi 26 mai, lorsque l’armée ukrainienne a commencé le bombardement des villes, les mineurs ne sont tout simplement pas retournés au boulot, parce que le ‘facteur externe’ des hostilités, ayant lieu presque au pas de leur porte, a sérieusement augmenté le risque d’accidents du travail dans leur entreprise. Par exemple, si jamais une bombe avait frappé la sous-station électrique, les mineurs auraient été pris au piège sous terre, ce qui aurait inévitablement signifié pour eux la mort. »27) La grève fut déclenchée par quelque 150 mineurs de la mine Oktiabrski et elle s’est étendue comme une réaction en chaîne à d’autres fosses de Donetsk (Skochinskiy, Abakumov, « Trudovskaya », etc.), mais aussi à des mines d’autres villes, en particulier Ougledar (« Yuzhnodonbasskaya n°3 »). Dans les mines dont le propriétaire est Rinat Achmetov, l’homme le plus riche d’Ukraine et qui possède un empire industriel contrôlant économiquement presque toute la partie orientale du pays, les travailleurs ont été forcés de continuer à travailler, ils ont continué à descendre dans la fosse, malgré le bombardement du voisinage proche. A l’initiative des mineurs de la mine Oktiabrski également (et à nouveau sans aucun soutien de la République Populaire de Donetsk), une manifestation anti-guerre de plusieurs milliers de participants a été organisée le 28 mai.28) Le 18 juin, plusieurs milliers de mineurs ont à nouveau manifesté dans le centre de Donetsk pour la fin immédiate des opérations militaires. Les participants ont fait valoir qu’ils ne sont pas séparatistes, mais des gens ordinaires du Donbass. Ils ont également déclaré que si le gouvernement de Kiev ne répondait pas à leurs revendications, ils prendraient les armes.

Les séparatistes ainsi que les oligarques locaux pro-Kiev tentent de manipuler et d’interpréter ces assemblées chaotiques et contradictoires en fonction de leurs propres intérêts. Rinat Achmetov, l’oligarque de Donetsk, a donc organisé sa propre « grève » pour l’Ukraine unie, les séparatistes pour leur part essayent de faire passer les manifestations de mineurs comme une expression d’une position pro-russe des travailleurs du Donbass.

Malgré les consignes nationalistes ou séparatistes qui apparaissent dans les manifestations de mineurs, les travailleurs ne sont pas très désireux de rejoindre la Milice Populaire du Donbass. Un des commandants séparatistes, Igor Girkin, s’est récemment plaint en public de ce que les populations locales prennent les armes de son arsenal, mais au lieu de se mettre au service des milices séparatistes, ils les ramènent chez eux pour protéger leurs familles et leurs villages contre les deux camps du conflit.29) Les séparatistes continuent donc de compter sur les gangs criminels locaux qui (après avoir été payés) leur ont permis de prendre le contrôle de bâtiments publics, de postes de police, de dépôts d’armes, de grandes artères et de moyens de communication dans la région de Donetsk et de Lougansk. La majorité des forces séparatistes est néanmoins faite de mercenaires provenant de l’autre côté de la frontière (russe), en particulier les anciens combattants des guerres en Tchétchénie.

Si le mouvement anti-guerre réel, le mouvement du défaitisme révolutionnaire, veut réussir, il doit devenir non seulement massif et généralisé, mais il doit aussi s’organiser, se structurer. Nous n’avons que peu d’informations sur les structures organisationnelles du mouvement en Ukraine. Nous pouvons conclure à l’existence de certaines structures à partir des événements eux-mêmes (des manifestations ou des grèves répétées de plusieurs milliers de personnes ne peuvent pas être le résultat d’une explosion spontanée de colère, de la même façon que les protestations des parents de soldats, comme nous les avons décrites ci-dessus, exigent un certain niveau de coordination, une collaboration organisée sur le plan du contenu et de la pratique), l’existence d’autres structures formelles ou informelles est confirmée par des informations incomplètes que nous avons obtenues sur le terrain. Certaines associations déjà existantes se sont transformées en cadres de centralisation des activités anti-guerre – par exemple la Communauté des parents de la région de Donetsk « Kroha »30), qui a publié un appel à la population le 10 juin, tout limité, contradictoire et pacifiste qu’il puisse être : « Nous, les parents de la région de Donetsk, en appelons à vous, politiciens, personnalités publiques et personnes intéressées. Aidez-nous à sauver les gens de Slaviansk, Krasnyi Liman, Kramatorsk, arrêtez les opérations militaires. Nous avons besoin de votre aide pour faire comprendre la vérité sur ce qui se passe dans ces villes. Depuis plusieurs semaines, les gens vivent sous les tirs d’artillerie incessants. Les civils meurent constamment. Certains enfants ont été blessés, la mort de trois enfants est confirmée. Des maisons, des hôpitaux, des crèches et des écoles sont en train de s’effondrer. Les gens, y compris des enfants, vivent dans un état permanent de stress, en se cachant dans les sous-sols pendant plusieurs heures des attaques qui ne s’arrêtent presque jamais. (…) Nous demandons votre aide pour sauver la vie de ces personnes et pour l’arrêt des actions militaires. »31) Une autre association, les Mères du Donbass, affirme dans sa déclaration : « Nous voulons juste vivre ! Nous, des gens ordinaires : maris et femmes, parents et enfants, frères et sœurs. Nous, des civils pacifiques, nous sommes les otages du conflit dans notre région, les victimes des affrontements militaires. Nous sommes fatigués de la peur et aspirons à la paix. Nous voulons vivre dans nos maisons, marcher dans les rues de nos villes, travailler dans les entreprises et organisations de notre région, et cultiver notre terre. (…) Nous, les mères du Donbass, nous insistons pour que soit mis un terme immédiat à l’opération anti-terroriste et aux actions militaires dans notre région ! (…) Nous sommes sûres que le conflit dans notre pays peut être résolu pacifiquement ! Arrêtez la guerre ! Évitez le décès des enfants ! Sauvez le peuple du Donbass ! »32) La Voix d’Odessa a organisé une manifestation contre la guerre le 13 juillet à Odessa. Les participants criaient des slogans comme « Nous sommes contre la guerre ! », « Arrêtez l’opération antiterroriste à l’Est ! » ou « Nous voulons la paix ! » Pendant cette flash-mob, d’effrayants enregistrements audio de tirs d’artillerie et d’impact sur des civils étaient diffusés.33) A Kharkov, des associations anti-guerre locales (entre autre le Mouvement des Femmes de Kharkov « Kharkivianka ») ont organisé le 20 juin une manifestation en face de l’usine de chars VA Malyshev. Cette usine a reçu une commande de 400 véhicules blindés pour être envoyés au front. Les manifestants ont exigé l’annulation de la commande et ont scandé des slogans comme « Non à la guerre » ou « Arrêtez le massacre insensé ! »34)

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Pendant ce temps, la situation économique et sociale dans toute l’Ukraine s’empire. La dévaluation de la monnaie locale, l’augmentation des prix des produits de base, des transports et des services ainsi que la réduction de la production dans de nombreuses entreprises conduisent à une forte baisse des salaires réels estimés entre 30 et 50% de perte. Le gouvernement de Kiev, sous la pression des institutions financières internationales, doit adopter une série de mesures d’austérité qui va encore aggraver les conditions de vie du prolétariat, et dans le même temps, il prépare la plus grande vague de privatisation depuis 20 ans. Le gouvernement central a cessé depuis mai le paiement des salaires des employés de l’État, des prestations sociales et des pensions dans les territoires qui ne sont pas sous son contrôle, des milliers de travailleurs sont donc sans revenus. La situation dans les régions où des opérations militaires ont lieu est encore pire – les fournitures d’électricité et d’eau sont interrompues, les médicaments et la nourriture sont rares.

Des troubles sociaux précipités par cette situation apparaissent depuis un certain temps. Outre les grèves de mineurs dans la partie orientale du pays, les prolétaires dans les régions de l’ouest commencent aussi à en avoir assez. Les mineurs de Krivoy Rog ont entamé une grève illimitée générale en mai exigeant le doublement de leurs salaires. Ils ont commencé à organiser des milices armées d’autodéfense. Dans leur déclaration adressée aux travailleurs de toute l’Europe, ils décrivent les oligarques russes et ukrainiens, dans quelque camp qu’ils soient (séparatiste ou celui de Kiev), comme la raison principale de la crise : « Nous nous adressons à vous en vous demandant de soutenir notre lutte contre les oligarques, qui ont provoqué la crise actuelle en Ukraine et qui continuent à la déstabiliser davantage, menaçant de provoquer une guerre fratricide en Ukraine qui sans aucun doute aura des conséquences catastrophiques pour toute l’Europe. »35)

Plusieurs manifestations pour « des conditions de vie décentes », contre l’augmentation des prix et pour l’augmentation des salaires et des pensions ont eu lieu dans différentes villes dans tout le pays. (Une série d’actions contre l’augmentation des prix des logements et des tarifs des services publics ont eu lieu à Kiev à la fin de juin et en juillet. Le 1er juillet, une manifestation contre l’augmentation des prix s’est déroulée à Kharkov. La plus importante protestation pour le moment a eu lieu à Kiev le 24 juillet avec des slogans comme « Réduisez les revenus des oligarques, pas ceux du peuple » et « Ne volez pas les citoyens ordinaires ».)36)

Début août, le dernier carré de résistants qui continuaient d’occuper la place Maïdan à Kiev (« parce que rien n’a changé ! ») est attaqué par deux bataillons de la Garde Nationale dans le but de les évacuer. Ils agissent sur ordre du nouveau maire de Kiev, Vitali Klitchko, ce qui démontre une fois de plus que la parole d’un politicien bourgeois (en début d’année, il avait demandé aux occupants de ne pas évacuer la place « tant qu’aucun véritable changement n’ait lieu en Ukraine ») n’engage que ceux qui y croient… De violents affrontements ont néanmoins éclaté lors de l’évacuation, ce dont la presse bourgeoise internationale s’est une fois de plus bien abstenu d’évoquer, tant il est vrai que le gouvernement de Kiev est l’allié occidental et « l’horreur ultime » ne peut être incarnée que par les séparatistes de l’est et la Russie.

La République Populaire de Donetsk tente de restreindre le mouvement des mineurs qui se soucient plus de leurs intérêts matériels que de toute idéologie, tout en jonglant entre les revendications des grévistes à qui on avait promis la nationalisation des complexes industriels et les intérêts des oligarques à qui on avait promis l’inviolabilité de la propriété privée.

Le mouvement anti-guerre, même s’il est pour le moment limité tant dans l’espace que dans le contenu, les grèves et manifestations ouvrières organisées non pas pour une idéologie mais pour les intérêts matériels du prolétariat dans les deux camps, tout cela confirme ce que nous écrivions dans notre texte précédent : « (…) le déclenchement de la guerre impérialiste (…) ne signifie pas nécessairement l’écrasement définitif du prolétariat. En effet, historiquement, si la guerre signifie dans le premier temps un relatif écrasement, elle peut ensuite dialectiquement déterminer une reprise des luttes d’autant plus forte qu’elle à mis à nu les contradictions et la brutalité immanente au système capitaliste. »

Malgré çà, il nous est arrivé à plusieurs reprises de tomber sur de soi-disant « révolutionnaires » qui défendent l’opération anti-terroriste, parce qu’ils croient que cela permettra un retour à la lutte de classe « normale ». Malgré çà, nous pouvons lire (même si de manière fragmentaire et contradictoire) des nouvelles à propos d’« anarchistes » actifs dans des structures administratives des séparatistes, parce qu’ils les considèrent comme un moindre mal en comparaison avec le gouvernement de Kiev.

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Nous ne soutenons en aucune façon la guerre et ses atrocités et nous sommes conscients que tout conflit militaire signifie l’aggravation des conditions de vie des prolétaires. Cependant, en tant que communistes, nous ne pouvons pas adopter la thèse selon laquelle nous pourrions éviter un conflit militaire en soutenant l’un ou l’autre camp guerrier.

Le prolétariat n’a aucun intérêt à préserver les conditions actuelles ou antérieures de sa misère. Le prolétariat n’a pas de patrie à défendre. Le camp du prolétariat dans toute guerre, c’est l’action unie et intransigeante des prolétaires des deux camps qui se font concurrence contre les deux camps guerriers de la bourgeoisie.

 

  • La lutte contre la guerre signifie le défaitisme révolutionnaire ! Front prolétarien révolutionnaire contre la bourgeoisie des deux camps guerriers !

  • Affrontons la guerre par l’action directe, le sabotage, la grève générale, radicale et combative !

  • Solidarité de classe avec les défaitistes révolutionnaires de tous les camps !

                                                                                                * Août 2014 *

1) http://www.autistici.org/tridnivalka/preparatifs-guerriers-entre-lukraine-et-la-russie-show-ou-realite/
2)http://www.thedailybeast.com/articles/2014/04/17/the-ukrainian-army-is-crumbling-before-putin.html
3)http://ndilo.com.ua/news/u-viyisku-rozpochavsja-bunt.html via http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/05/30/beginning-of-rebellion-in-the-ukrainian-army/
4)Idem.
5) Idem.
6)http://www.volynpost.com/news/33715-vijskovi-z-51-oi-brygady-vlashtuvaly-na-mykolaivschyni-bunt via http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/05/29/volhynia-soldiers-mutiny-and-refuse-to-go-to-the-donbas/
7)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/02/soldiers-relatives-protests-spreading-in-ukraine/
8) http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/04/soldiers-relatives-block-military-recruitment-office-in-lviv/
9) Idem.
10)Idem.
11)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/11/kherson-soldiers-relatives-picket-military-enlistment-office/
12)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/19/chernivtsi-soldiers-relatives-block-highway-demand-soldiers-brought-back-from-the-east/
13)http://112.ua/obshchestvo/pod-zhitomirom-semi-voennosluzhaschih-perekryli-dorogu-kyjev-chop-79161.html
14)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/10/soldiers-relatives-block-troops-in-melitopol-from-being-sent-to-the-front/
15)http://www.youtube.com/embed/hyLIUk6U9yA
16)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/04/soldiers-relatives-block-military-recruitment-office-in-lviv/
17)http://www.aitrus.info/node/3875/ via http://libcom.org/forums/news/protests-ukraine-02122013?page=11#comment-541714
18)Idem.
19)http://www.youtube.com/embed/0WbCvUoZEQ
20)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/07/25/riot-in-western-ukraine-against-army-mobilization/
21)Idem.
22)http://www.aitrus.info/node/3875/ via http://libcom.org/forums/news/protests-ukraine-02122013?page=11#comment-541714
23)http://www.youtube.com/embed/G2qm3_c2O-8 et http://www.youtube.com/embed/fiRqdLi6fk0 via http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/08/06/protests-against-the-war-in-zaporizhia-and-kyiv/
24)http://www.rferl.org/media/video/ukraine-national-guard-cannon-fodder/25426820.html
25)http://observerukraine.net/2014/05/08/for-an-independent-social-movement-for-a-free-ukraine/
26http://en.itar-tass.com/world/733524/
27)http://liva.com.ua/miners-war.html via http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/05/30/donetsk-miners-strike-against-war-eyewitness-account/
28)http://www.marxist.com/donetsk-miners-strike.htm
29)http://observerukraine.net/2014/05/27/petro-poroshenko-the-chocalate-king-walks-onto-a-sticky-wicket/
30)http://kroha.dn.ua
31)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/13/mothers-and-parents-organisations-appeal-stop-the-war-save-the-people-of-donbass/
32)http://brend-archer.livejournal.com/324036.html via http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/13/mothers-and-parents-organisations-appeal-stop-the-war-save-the-people-of-donbass/
33)http://www.youtube.com/embed/xUFxhbGE-8I
34) http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/20/kharkov-tank-factory-rally-against-the-anti-terrorist-operation/
35)http://observerukraine.net/2014/05/12/appeal-of-the-kryviy-rih-basin-miners-to-the-workers-of-europe/
36)http://www.aitrus.info/node/3870/ via http://libcom.org/forums/news/protests-ukraine-02122013?page=11#comment-541385

images-1L’UKRAINE en proie aux contradictions inter-impérialistes

Pendant des siècles, l’Ukraine est aux confins des royaumes de Pologne de Lituanie et de Russie, c’est une zone aux frontières mouvantes.

Soumise aux invasions Tartaro-mongoles, ses territoires seront alternativement sous la domination de ses puissants voisins. Ainsi Kiev est polonaise jusqu’à la fin du 17ème siècle.

Outre des ukrainiens, le pays compte une importante minorité de russe et de biélorusse, mais aussi des moldaves, des roumains, des polonais, des bulgares, des hongrois, des grecs et des tartars. A noter également que l’Ouest du pays a connu un schisme religieux (Uniate), s’étant séparé de l’église orthodoxe pour se rapprocher des catholiques (que sont les voisins polonais).

Le retournement au profit de la Russie des cosaques, peuples nomades installés sur ce territoire entre polonais et russes, est déterminant pour le passage des territoires sous domination de la Russie Tsariste.

De 1815 à 1914, soit presque un siècle, la Russie Tsariste s’étend jusqu’à Varsovie (Pologne)

La configuration actuelle de l’Ukraine est le fait de la reconquête soviétique et des frontières de 1945. (Yalta en Crimée)

En 1954, c’est Khrouchtchev (d’origine ukrainienne) qui va donner à l’Ukraine la Crimée jusqu’alors rattachée à la RSS de Russie. La Crimée sera à ce jour une république autonome de l’Ukraine.

Pour nous Communistes, l’Ukraine ravive quelques souvenirs :

–       Ceux de la révolution de 1905, avec la mutinerie du Potemkine et la fusillade de l’escalier Richelieu à Odessa ; immortalisés par le film d’Eisenstein.

–       Ceux de la controverse dans le parti Bolchevick à propos de la « Paix » de Brest-Litvosk qui allait livrer l’Ukraine à l’Allemagne, puis à l’invasion polonaise soutenue par Petlioura.

–       Ceux de la guerre contre les blancs et les troupes impérialistes qui assiégeaient la jeune Russie Bolchevick.

–       Ceux des marins du corps expéditionnaire français, les « Mutins de la Mer Noire » qui refusèrent, en vrai internationalistes de tirer sur leurs camarades russes.

 mutinsdelamernoire

Nous relayons un article de RESPUBLICA qui nous a été signalé par une camarade, cet article à le mérite de poser les bonnes questions ce qui n’est pas très fréquent à la gauche de la gauche.

L’article est suivi de notre commentaire.

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Venezuela, Ukraine, Russie et ailleurs : vers une intensification de la confrontation inter-impérialiste ?

Permalien vers cet article                                                                                              Lundi 3 mars 2014

Par Évariste       Pour réagir aux articles écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

 

Vous avez vu les 20h de TF1,de France 2, lu la presse dominante, écouté les grandes radios. Vous savez donc qu’en Ukraine, les gentils démocrates pro-occidentaux ont gagné et que les méchants totalitaires corrompus qui regardent vers l’Est sont défaits.
Vous savez aussi qu’au Venezuela, les gentils aspirants à la liberté, manifestent dans le calme et la dignité et que le pouvoir sanguinaire des bolivariens entrave ces promenades « bisounours ». Je vois d’ici certains lecteurs de ReSpublica faire la fine bouche en disant :- « On nous a déjà fait le coup en Libye, la situation actuelle étant aujourd’hui pire que sous Khadafi avec la charia, la régression du droit des femmes, la guerre civile des milices d’extrêmes droites, la régression des droits,le pouvoir d’achat en berne, il n’y a que les multinationales de l’énergie qui sont contentes, etc. »
-
« On nous a fait le coup en Syrie où la force militaire dominante anti-Assad est aujourd’hui formé par l’extrême droite islamiste dans ses différentes composantes, largement soutenue par les alliés des néolibéraux, l’Arabie saoudite et la Turquie. »
Et ces lecteurs ont bien raison : au delà de l’idéologie universaliste, qui oppose les bons du camp occidental aux méchants anti-démocrates de l’Est, la réalité du rapport de forces géopolitique renvoie à des rivalités économiques.

Nous sommes dans une intensification de la guerre inter-impérialiste

Une contradiction fondamentale du mode de production capitaliste est, qu’il ne peut se développer que dans un cadre social spécifique, l’État-nation, mais qu’il doit en sortir, poussé par la loi de l’accumulation capitaliste, à la recherche de débouchés et d’argent frais. Le capitalisme a vocation à être impérialiste, d’où les inéluctables rapports de forces entre nations, qui ne sont que des rapports de compétitivité entre capitalismes, c’est-à-dire de capacités d’exploitation.

La géopolitique gère ces rapports, selon une idéologie propre à chaque camp.
Ainsi, l’impérialisme occidental (piloté par les EU qui ont fini par enrôler, après la Grande-Bretagne via la finance, l’UE via son impuissance) tente d’endiguer la Russie et la Chine au nom de l’idéologie des droits de l’homme. Il le fait au nom de l’idéologie des droits de l’homme, mais partout où cet impérialisme passe (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, etc.) il fait le lit des forces les plus obscurantistes et intégristes au point de faire s’allier des ennemis de toujours (Iran-Irak par exemple). Cela ne vient-il pas de la contradiction fondamentale du mode de production capitaliste ? Ce dernier ne peut se développer que dans un cadre social spécifique, l’État-nation, mais doit en sortir (pour cause de recherche de débouchés, de baisse tendancielle du taux de profit et le besoin d’argent frais) et devenir impérialiste, d’où la géopolitique pour rendre compte des rapports de forces entre nations, c’est-à-dire des rapports de compétitivité entre capitalismes, c’est-à-dire entre capacités d’exploitation.

La réalité géopolitique est que nous vivons en direct le passage de témoin entre les EU et la Chine, comme les anciens ont vécu celui entre le Royaume-Uni et les EU dans la période fin du XIXe-première-moitié du XXe. La Russie apparaît dans le jeu comme l’équivalent de l’Allemagne d’alors, à la différence que l’Allemagne était une puissance industrielle montante, tandis que la Russie d’aujourd’hui est une puissance rentière, assise sur sa richesse gazière et pétrolière.
Quelques exemples sous nos yeux

Ainsi, en Europe, dans la guerre civile qui se passe en Bosnie-Herzégovine, la seule chose qui fait consensus est que plus personne ne veut des accords communautaristes pro-intégristes de Dayton imposés par les forces néolibérales occidentales, accords aujourd’hui pointés comme étant l’une des causes majeures de la guerre civile. La Bosnie, c’est un système de type libanais au plein cœur de l’Europe. On ne peut pas faire plus éloigné de la République sociale que ce système usine à gaz antidémocratique. C’est le produit du traitement impérialiste de dépeçage de l’ex-Yougoslavie.

De même, au Venezuela, nous sommes confrontés à une stratégie de la tension en vue d’un coup d’État pro-américain. Lisez cet article de Maurice Lemoine, il le montre très bien.  Mais, cette tentative de déstabilisation s’appuie sur des difficultés économiques sérieuses.
Le système bolivarien basé sur la rente énergétique n’a pas réussi à empêcher la croissance de l’écart des taux de change officiel et officieux de la monnaie bolivarienne. Cet écart a progressé fortement de 2010 à aujourd’hui. Aujourd’hui le ratio est de 9 pour 1 ce qui n’est pas rien. Bien évidemment, cela participe à l’enrichissement d’une petite minorité de Vénézuéliens et une part de plus en plus importante de l’économie se développe en fonction de cet écart. Par exemple, la grande compagnie pétrolière vénézuélienne PDVSA doit vendre ses devises issues des recettes au taux officiel mais doit payer ses fournisseurs au taux officieux ! D’où la nécessité de subventionner cette grande entreprise. Le gouvernement souhaite donc entrer dans un processus de taux de change unique mais qui sera au début situé entre les deux anciens taux officiel et officieux. Cela demande un pilotage fin et précis par la Banque centrale, une aide monétaire aux plus défavorisés à cause de la hausse des  prix qui s’en suivra.
 Mais ce n’est pas suffisant.
D’aucuns proposent de passer d’une économie de rente énergétique à une économie basée sur une plus forte redistribution (le Venezuela est un des pays à fiscalité faible), d’aller plus vite dans une politique industrielle plus développée, plus diversifiée, plus haute en gamme et sans doute d’avoir une politique économique et financière visant à transformer les excès de liquidités en une épargne à long terme, sans compter la nécessité d’augmenter encore la qualité de l’enseignement, notamment des filières scientifiques et techniques. Ces propositions, quoique nécessaires, sont au mieux la copie déformée de la thèse des industries industrialisantes de Gérard Destanne de Bernis qui sous-estime la logique effrénée d’un capitalisme qui n’a pas d’autre solution que d’intensifier ses politiques d’austérité et renforcer ses menées impérialistes.Il y a donc loin de la coupe aux lèvres mais le combat continue.
En Ukraine, la situation est d’une grande gravité. D’abord la corruption endémique est généralisée tant du côté de l’ex-président Victor Yanoukovitch déchu que de l’ancienne première ministre Youla Timochenko, libérée de prison il y a quelques jours. Dans son indice de perception de la corruption, l’ONG Transparency International classe l’Ukraine au 144e rang sur 175 ce qui était déjà le cas avant l’arrestation de l’ex-première ministre Youla Timochenko qui a été présentée par les médias néolibéraux comme la coqueluche de Maïdan.

Les populations du Sud (la Crimée) majoritairement russophones vivent pour beaucoup dans une économie marquée par la présence massive de la flotte russe. Les populations de l’Est vivent beaucoup du commerce avec la Russie d’autant que ce commerce a bondi depuis 2009, même si la balance commerciale est défavorable aux Ukrainiens.
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Tandis que les populations du Nord-ouest et de la région de Kiev sont tournés vers les économies de l’UE.
Les besoins financiers à court terme de l’Ukraine (sans compter les investissements nécessaires) se chiffrent à plus de 27 milliards d’euros (35 milliards de dollars) pour les deux ans qui viennent dont plus de la moitié sont exigibles en 2014. Il va sans dire que la poursuite du prêt que la Russie avait consenti à l’Ukraine (reste environ 12 milliards de dollars) devient pour le moins hypothétique. Ce n’est pas le milliard de dollars promis par les EU et les 1,5 milliards promis par l’UE qui sont de nature à couvrir les besoins immédiats.
Reste le FMI, bien que sa doctrine reste la contrepartie d’une politique d’austérité en Ukraine. Notons que, officiellement, ce fut par refus de la contrepartie exigée par les Occidentaux (la politique d’austérité) que l’ancien président déchu n’avait pas signé le plan européen.
La dette de l’Ukraine n’est pas exorbitante (43 % du PIB) mais le pays est en récession avec un abaissement du PIB de plus de 2 % en 2013. Faible industrie bas de gamme et secteur agricole développé.
Notons de plus que l’Ukraine est le pays où circule via des oléoducs la grande majorité du gaz et du pétrole russe à destination de l’Europe de l’ouest mais aussi de l’Europe du sud.

Quant aux élites politiques nouvelles présentées par les médias occidentaux, en plus du nouveau pouvoir ukrainien d’Olexandre Tourtchinov et d’Arseni Iatseniouk, proche de l’ex-première ministre, notons l’ancien champion de boxe Vitali Klitschko, chef du parti ultra-libéral Udar et l’ultranationaliste nazi Oleh Tiahnybok de Svoboda.
Que du « beau monde » qui ne résoudra pas par un coup de baguette magique la crise actuelle. D’autant qu’étant « sûrs » du soutien de l’impérialisme occidental, ces hommes ont dès les premières mesures supprimé le russe comme langue officielle, une langue parlée par 60 % de la population. Et décidé dans la même lancée une discrimination contre les langues hongroise et roumaine. Le gouvernement roumain a déjà protesté. Le député Vadim Kolesnitchenko parle de discrimination linguistique. Il est facile de prouver que les habitants russophones d’Ukraine ne sont pas des immigrés, mais des autochtones. Rien de surprenant de voir les russophones d’Ukraine demander au grand frère russe une intervention. Mais même à Lviv, bastion pro-européen en Ukraine, les militants ont, par exemple, déclaré le 26 février « journée russophone » afin de montrer leur solidarité avec les habitants des régions de l’est et du sud de l’Ukraine, à majorité russophone. Le gouvernement vacille d’où la volonté de certains de rencontrer Poutine…
Il y a de la fébrilité dans l’action d’Olexandre Tourtchinov, le nouveau président favorable à l’impérialisme occidental. Quelques jours après la réaction musclée de l’impérialisme russe, il demande au Parlement de revenir sur ce vote et modifier la loi. Sans doute, l’impérialisme occidental a-t-il été surpris de la détermination du président russe qui a planifié son action de façon très professionnelle.
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Et si « l’ukrainisation » était une maladie contagieuse ?
Déjà, nous connaissons le cas de l’Ossétie du sud et de l’Abkhazie en Géorgie et du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan.
En Moldavie, la Transnistrie, ou République moldave du Dniestr, a voté en 2006 à 97,1 % de voix en faveur du rattachement à la Russie.« Nous sommes prêts à doter la Transnistrie d’une large autonomie, sur le modèle catalan », a proposé le Premier ministre moldave Iurie Leanca.
Mais le 2 février 2014, la Gagaouzie a voté d’une même voix (à 98,7 %!) en faveur du rattachement à l’Union douanière (Russie, Biélorussie, Kazakhstan) initiée par la Russie. Un caillou dans le sabot pour des autorités moldaves engagées dans un rapprochement avec l’UE.

Tout cela pour dire que la géopolitique reprend ses droits. 
Au moment du déclin de l’hyperpuissance étatsunienne, de notre entrée dans un monde multipolaire et peut-être demain pourquoi pas « apolaire », tout se passe comme si les alliés impérialistes transatlantiques (États-Unis, Canada, Union européenne) avaient engagé une nouvelle politique d’endiguement (containment en anglais) contre la Russie en Europe et contre la Chine en Asie, avec des répercussions au Moyen Orient et en Afrique. Les conflits en Azerbaïdjan, en Ukraine, en Moldavie, en Géorgie, l’entrée rapide de la Bulgarie, de la Roumanie et des pays baltes dans l’Union européenne, ne sont-ils pas un sous-produit de cette nouvelle politique d’endiguement occidentale ?

La tentative du Partenariat transpacifique1 sur un projet de regroupement de 40 % du PIB mondial ne l’est-elle pas également ? Même si le TPP vient de reporter à 2015 la résolution des différends EU-Japon sur la taxation des produits agricoles importés par le Japon, idem pour l’automobile par les EU, voire des différends avec la Malaisie sur la défense par cette dernière des entreprises nationales ou encore sur la questions des brevets pharmaceutiques et des génériques pour l’accès aux médicaments pour les pays plus pauvres.

Tout ne s’explique pas par la géopolitique, mais rien ne peut s’expliquer sans elle. Il faudra sans doute à l’avenir s’intéresser plus à ces gigantesques batailles inter-impérialistes qui sont devant nous. La gauche de la gauche peut-elle devenir une gauche de gauche sans être claire sur ce sujet ? Il faut bien, à un moment, poser les questions qui fâchent…
Le TPP tente de regrouper douze pays: le Japon, l’Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, les États-Unis et le Vietnam []
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Notre commentaire; 
On ne peut qu’être d’accord avec votre analyse sur la confrontation entre blocs impérialistes. Les peuples du monde entier en font les frais. De 1945 à aujourd’hui, les différents conflits impérialistes mondiaux ont fait plus de morts, de blessés et d’orphelins que les deux guerres mondiales réunis.
Mais l’intensification des guerres est à mettre en relation avec l’aggravation de la crise du capitalisme, ses capacités de survie qui le conduisent à accroître partout les conditions d’exploitation.
 
Une des raisons de ces guerres nommées de « basse intensité » c’est que le capital a besoin d’États compradores, dociles et surtout les plus petits possibles de manière à accroître la concurrence entre ces Etats.
L’objectif premier est d’abaisser le coût du travail vivant, productif, au niveau le plus bas possible.
Pourquoi ?
La concurrence est l’aiguillon externe du capitalisme, qui lui permet d’augmenter la productivité qui est lui l’aiguillon interne de la production capitaliste.
« Produire pour produire » tel est le crédo capitaliste et rien ne peut s’y opposer si ce n’est le prolétariat uni qui, par nécessité, se rassemblera, se reconnaîtra en tant que classe sociale indépendante de la bourgeoisie afin de la combattre efficacement. « Produire pour le peuple » sera l’objectif du prolétariat pour en finir avec le gaspillage des richesses produites et surtout pour éliminer la propriété privée qui fonde le capital et donc les rapports de production qui en découlent et qui permettent à ce capital de se reproduire (les rapports de production sont uniquement basés sur la séparation entre les possesseurs des moyens de production -financiers compris- et les exploités, simples exécutants).
 
Mais pour le moment, nous n’assistons qu’au dépeçage des anciennes nations, devenues obsolètes pour maintenir le taux de profit (du moins tenter de le maintenir au niveau le plus élevé possible quand tous les facteurs de dévalorisation du capital sont supérieurs à ceux de sa valorisation).
Parmi ces facteurs de dévalorisation figure justement la productivité. Celle-ci n’a jamais été aussi élevée. La composition organique (CC/CV) est élevée. Moderniser coûte trop cher. Les investissements sont bloqués, l’argent se thésaurise ou tourne en rond dans la sphère financière, produisant au passage des krachs comme celui de 2008. Puis c’est le tour des États qui se trouvent en cessation de paiement.
Le recours au crédit, l’inondation de liquidités par les banques centrales produisent les mêmes effets :  un trop plein d’argent que ne eput se convertir dans la production en capital additionnel. C’est le blocage de l’accumulation.
 
Les États impérialistes tentent de relancer la spirale « vertueuse » qui a permis pendant les trente glorieuses d’accroître la productivité tout en augmentant les salaires mais à un rythme plus lent que cette dernière.
 
Aujourd’hui le procès de l’accumulation se heurte à l’impossibilité de diminuer davantage la masse salariale autrement dit de diminuer le temps de travail contraint car ce dernier est aussi du sur travail qui produit de la plus-value.
La productivité mine la production de plus-value donc annule les profits envisagés.
Le travail n’étant plus rentable on supprime ce travail (d’où l’aggravation du chômage et de la « fracture sociale » tant redoutée par la bourgeoisie qui ne peut même plus nourrir le prolétaire qui était sensé la nourrir !) et dans le même temps on abaisse le coût de celui qui reste.
Voilà pourquoi l’impérialisme pille sans vergogne les pays dominés, jusqu’à la destruction de la nature et des ressources de ces pays. Voilà pourquoi, sans une révolution pour y mettre un terme, l’espèce humaine est menacée de disparaître avec la planète toute entière.
 
Pierre Lehoux – secrétaire de l’Association des Amis du Manifeste.